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Bâtir en terre crue en Ile de France, c’est possible !

La terre crue, matériau biosourcé étonnant n’attend que vous pour prendre vie et révéler tout son potentiel!

Mardi 9 octobre dernier, Vizea était à la journée « Bâtir avec la terre » organisée par le CAUE92. Les intervenants s’y sont succédés pour parler du matériau terre, de ses avantages et spécificités.
C’est donc l’occasion de revenir sur les points forts de la journée, pour montrer que oui, la terre est un matériau de construction durable et efficace dans la mesure où sa mise en œuvre est parfaitement maitrisée.

Les premières constructions en terre crue datent d’il y a environ 12 millénaires, avec la sédentarisation de l’Homme. Avec l’amélioration des techniques, les constructions en terre crue se sont complexifiées et sont devenues plus résistantes, jusqu’à traverser les siècles, comme en témoignent plusieurs exemples marquants. Par exemple, la ville de Shibam au Yémen est entièrement construite d’adobes. Surnommée le « Manhattan du désert », les immeubles en briques de terre crue qui constituent la ville font jusqu’à 7 étages et datent du XVIème siècle pour certains.

Les tulous, habitats traditionnels chinois érigés entre le XVème et le XXème siècle, sont un autre exemple de construction en terre crue. Environ 80 familles vivent dans ces constructions rondes dont les murs extérieurs sont en pisé et font jusqu’à 20m de haut pour 2m d’épaisseur de mur à la base et 1m d’épaisseur au sommet. Les murs et cloisons intérieurs sont eux en adobes.

Ces exemples illustrent la durabilité et la résistance du matériau terre. En effet, avec le temps, la terre peut indurer et rendre le matériau aussi solide que la pierre, comme c’est le cas du pisé des murs extérieurs des tulous. Certains édifices résistent mêmes à des séismes, comme la Casa Munita au chili, en terre allégée (mélange de terre plastique et de fibres végétales) qui a résisté à un séisme de magnitude 7 sur l’échelle de Richter.

Aujourd’hui, près d’un tiers de la population mondiale vit dans une habitation en terre crue et ce sur à peu près tous les continents et, historiquement, dans de nombreuses région françaises, alors pourquoi ne pas s’intéresser de plus près à ce matériau biosourcés ?

Structurellement, ce matériau fonctionne très bien en compression. Des vidéos réalisées par Amàco sont d’ailleurs disponibles en ligne pour illustrer les propriétés physiques étonnantes du matériau terre.

D’un point de vue acoustique, les caractéristiques de la terre crue sont excellentes. De même, le matériau a une inertie thermique très importante ; sans être un isolant thermique, la terre crue est donc très performante d’un point de vue confort hygrothermique.
Il faut aussi rappeler et insister sur le fait que la terre est un matériau biosourcé local, a faible impact environnemental qui peut facilement s’inscrire dans une dynamique d’économie circulaire. Cela en fait un matériau de choix quand il s’agit de bâtir durable.

Les techniques de mise en œuvre sont multiples : bauge, pisé, torchis, adobes, briques de terre crue compressées, briques de terre crue extrudées, terre coulée, terre crue allégée, enduit de terre, mortier de terre,… Elles permettent une large gamme de choix en matière de géométrie et d’aspect, ce qui en fait un matériau idéal pour les architectes, libres d’exprimer leur créativité.
Le choix d’une technique plutôt que d’une autre relève des propriétés de la terre qui sera utilisée, de la localisation du projet (conditions climatiques et état du savoir-faire local) et du choix de l’architecte.
Ces techniques traditionnelles de base tendent à s’industrialiser avec l’organisation de la filière terre crue. En France par exemple, l’association CRATerre s’attache à diffuser le savoir technico-scientifique sur le matériau terre et à le promouvoir au travers d’ateliers et de concours d’architecture mondiaux . L’association ASTerre, quant à elle, a pour but de porter la formation relative au matériau terre pour tous les acteurs de la conception à la réalisation, à l’échelle de l’Europe.

Le développement de la filière est notamment porté par le dynamisme qu’apportent de nombreux projets aussi bien à l’échelle mondiale qu’à l’échelle nationale.
A l’échelle mondiale, on peut citer les réalisations des architectes Wang Shu, de Martin Rauch ou d’Anna Heringer qui présente d’ailleurs les qualités du matériau terre dans une courte vidéo TED. Le travail des 40 finalistes du concours Terra Awards 2016 donne également un bon aperçu des possibilités qu’offrent le matériau terre crue.
En France, le Centre d'Interprétation du Patrimoine archéologique du Bas-Rhin, appelé La Villa, à Dehlingen est un bâtiment en pisé porteur, conçu par Nunc Architectes.

Sur ce projet, le pisé est stabilisé avec un mélange de chaux/ciment et constitue la véritable ossature du bâtiment. Pour ne pas altérer la structure porteuse, l’enveloppe a été doublée. Il y a tout d’abord un mur intérieur porteur, en pisé, qui reprend les efforts de la charpente (un gros travail a été fait pour s’assurer que les efforts de la charpente ne soient que verticaux, sinon le pisé n’aurait pas tenu). Ce mur porteur est isolé en extérieur avec des granulés de liège, puis un second mur en pisé vient protéger le complexe isolant/mur porteur. La mise en œuvre du pisé s’est faite de deux façons : in situ, avec la fabrication directe du mur intérieur porteur, et ex-situ, avec la fabrication du mur extérieur dans un hangar plus loin, pour optimiser le temps de séchage. Les morceaux du mur extérieur ont ensuite été assemblés à leur place. Livré il y a quatre ans avec un ATEX, ce projet constitue un véritable retour d’expérience pour la construction en pisé (porteur ou non).

Il met également en lumière les possibilités d’industrialisation du matériau terre. En effet, il est désormais possible de commander du pisé préfabriqué, du torchis préfabriqués, des plaques de terre crue, des briques ou même des adobes. Cela facilite la mise en œuvre du matériau et réduit les temps de chantier puisqu’aucun séchage n’est requis. Par exemple, la maison des plantes Ricola à Laufen en Suisse, est réalisée en ossature béton, remplissage en pisé préfabriqué.

Suivant la dynamique de la filière, de nouveaux projets voient le jour. Aussi, la journée du CAUE92 s’est conclue sur la visite du chantier du groupe scolaire Miriam Makéba à Nanterre, où le mur de clôture ainsi que les murs des circulations intérieures sont en pisé non porteur.

 

Photos du chantier du groupe scolaire Miriam Makéba à Nanterre, mur clôture et mur des circulations intérieures

D’autres projets sont en cours de développement, comme le projet Cycle Terre à Sevran, dont l’objectif est de créer une usine pour fabriquer, dans un premier temps, des briques de terre crue compressées à partir des terres excavées de la région parisienne, inscrivant le projet dans une dynamique d’économie circulaire. On peut aussi citer le projet « Manufacture sur-Seine » à Ivry-sur-Seine, qui développe un éco-quartier où du pisé non porteur sera mis en œuvre pour le remplissage de certaines façades et où l’emploi d’enduits de terre et de plaques de terre crue est également prévu.

En conclusion, le matériau terre est un matériau offrant de très larges possibilités structurelles, architecturales ou esthétiques et dont la mise en œuvre se structure peu à peu. Ce matériau géo-sourcé constitue une ressource locale non négligeable qui, à condition de veiller à sa bonne mise en œuvre (protection d’une exposition incessante à l’eau, temps de séchage et de curage suffisants, protection des angles saillants,…) et d’être aventurier, n’attend que vos projets pour se révéler. Poursuivant la dynamique de développement de la filière terre crue et du réseau des différents acteurs, un guide des bonnes pratiques devrait d’ailleurs prochainement être publié.

Alors, n’attendez-plus ! Mettez la main à la pâte et bâtissez en terre crue !

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